Frayle - Heretics & Lullabies

 

Le groupe décrit sa musique comme des “berceuses du chaos”, et le titre de ce troisième album, "Heretics & Lullabies", résume parfaitement l’équation : l’hérésie pour la rébellion, les berceuses pour l’apaisement. Frayle joue en permanence sur cette dualité. L’album s’ouvre avec “Walking Wounded”, un morceau qui commence dans un murmure presque fragile avant de se transformer en mur de guitares écrasant, porté par les harmonies spectrales de Gwyn. Le ton est donné : on flottera, mais dans la cendre.

 

Plus loin, “Heretic” injecte un côté plus heavy et rock, presque martial, avec des percussions d’arène et une basse massive, tandis que “Boo” joue sur un mid-tempo hypnotique et un équilibre parfait entre lourdeur et séduction. À l’inverse, “Demons” ou “Glass Blown Heart” s’aventurent sur des terrains plus mystiques, flirtant avec une poésie macabre et des mélodies évanescentes. Et puis il y a la reprise de “Summertime Sadness”, totalement réinventée — la version de Frayle ne sent plus la plage californienne, mais la lune rouge au-dessus d’un cimetière gothique. Une lente dérive magnifique, où chaque note semble se consumer. A noter que Within Temptation avait déjà repris ce titre de Lana de Rey.

 

Tout au long du disque, la voix de Gwyn Strang reste l’arme secrète du groupe : à la fois caressante et inquiétante, toujours suspendue entre l’humain et l’angélique. Elle chuchote là où d’autres hurlent, mais avec une intensité qui glace le sang. La production, quant à elle, est soignée à l’extrême : dense, texturée, presque cinématographique. On sent que Frayle a atteint ici une forme de maturité — plus affirmé, plus sûr de son univers, sans rien perdre de sa sensualité doom.

 

Néanmoins, on nuancera certains points. Frayle avait déjà un style fort et le défi était de ne pas tomber dans la répétition. Si l'album est réussi et nous enchante lors des premières écoutes, une fois l'euphorie de la découverte passée, on leur trouve une tendance à se répéter. Ce troisième opus est d'avantage un palier de maturation plutôt qu'une révolution totale.

 

"Heretics & Lullabies" n’est pas un album immédiat : il demande qu’on s’y abandonne, qu’on accepte son rythme lent, ses ombres et ses clartés. Mais une fois qu’on s’y noie, difficile d’en ressortir indemne. C’est beau, lourd, mystique, et totalement cohérent. Néanmoins, mieux vaut ne pas l'écouter trop souvent, ou l'aspect répétitif risque de lui être fatal et de faire arrêter l'écoute du disque à la moitié. Un opus intéressant, dans la continuité des précédents, qui réaffirme le style de Frayle, sans le réinventer.